Dissertation : Au sujet du réel dans les œuvres littéraires, Albert Camus déclare : « L’art n’est ni le réel seul, ni l’imagination toute seule, mais l’imagination à partir du réel ».
En vous référant aux œuvres lues ou étudiées, vous commenterez ce jugement fondé sur les rapports entre une œuvre littéraire et la réalité.
Thème : Le réel et l’imagination dans une œuvre littéraire.
Reformulation : Le réel et l’imagination s’entremêlent/ s’enchevêtrent dans une œuvre littéraire.
Problématique : Dans quelle mesure peut-on dire que la réalité et la fiction se côtoient dans une œuvre littéraire ?
Type de plan : Le sujet incline à adopter un plan analytique
Plan possible :
1ère partie : L’auteur d’une œuvre littéraire peut puiser son inspiration dans le réel
1. Le contexte de production peut être connu du lecteur : Certaines œuvres littéraires se situent dans un environnement politique, socio-économique, culturel connu des lecteurs.
Exemples : Une Saison blanche et sèche d’André Brink retrace les épisodes de violence qui ont agité l’Afrique du Sud pendant la période de l’apartheid, notamment le massacre des enfants noirs de Soweto. Les aventures de Madame Bovary ont été inspirées à Gustave Flaubert par l’histoire d’Eugene Delamarre qui avait été cocufié et ruiné par son épouse.
Munyal, les larmes de la patience de Djaïli Amadou Amal évoque l’univers socioculturel du Cameroun septentrional où la femme est maltraitée et marginalisée.
2. Les lieux évoqués dans une œuvre littéraire peuvent être réels ou connus du lecteur : dans certaines œuvres, la structuration de l’espace fait référence à la mémoire collective des lecteurs. À titre illustratif, dans Munyal. Les larmes de la patience, la ville de Maroua qui constitue le microcosme de l’œuvre est bien connue du public camerounais. C’est également le cas de la ville de Douala et ses quartiers dans Ngum a Jemea de David Mbanga Eyombwan. Sous la cendre le feu d’Evelyne Mpoudi Ngolle fait de nombreuses allusions aux villes de Douala, Nkongsamba, Kousseri. Une Saison blanche et sèche évoque clairement et particulièrement Soweto, le township où étaient parqués les Noirs pendant la ségrégation raciale.
3. Les noms des personnages peuvent être familiers aux lecteurs : Certaines œuvres littéraires mettent en scène des personnages historiques, bien connus des lecteurs. Exemples : Dans Ngum a Jemea, nous pouvons évoquer Ngos a Din, Dualla Manga. Dans Sous la cendre le feu, Evelyne Mpoudi Ngolle évoque le 1er président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo. Les noms Moubarak, Ramla, Safira, etc., font référence à la socioculturel du Nord Cameroun.
4. Les problèmes évoqués dans certaines œuvres sont contemporains au public : Nombreuses sont les œuvres littéraires qui témoignent de leur contexte. Exemples : Ngum a Jemea est une chronique virulente de la colonisation au Cameroun. Munyal. Les larmes de la patience met en relief un univers socioculturel où la femme est embastillée par le poids de la tradition.
Transition : L’œuvre littéraire est certes inspirée du réel, du vécu de son auteur qui peut y évoquer des lieux, des personnages et des thèmes familiers. Mais il peut aussi arriver qu’un écrivain puise dans son imagination pour produire son œuvre.
2ème partie : Une œuvre littéraire est d’abord le fruit de l’imagination de son auteur
1. Par définition, une œuvre littéraire est une production issue de l’imagination de son auteur.
• L’espace et le temps peuvent être inventés ou choisis par l’auteur : L’auteur d’une œuvre littéraire peut inventer le lieu et la temporalité de son œuvre. Dans Candide, Voltaire situe l’action dans des lieux aussi improbables que Thunder-Ten-Tronck ou dans l’El Dorado. Jonathan Swift raconte Les aventures de Gulliver dans une localité appelée Lilliput. Il en est de même pour Bernard Nanga qui campe l’action des Chauves-souris à Eborzel.
• Mais, même quand le lieu de l’action peut être localisé sur une carte du monde, chaque auteur utilise subjectivement l’espace et le temps dans son œuvre. La ville de Paris dans Au bonheur des dames d’Émile Zola est présentée comme le théâtre des évolutions qui nourrissent chez les personnages des appétits de consommation inassouvis. La ville de Maroua dans le roman de Djaïli Amadou Amal est un espace dysphorique pour les jeunes filles forcées de se marier précocement.
2. La thématique d’une œuvre peut relever de l’imagination : Certaines œuvres littéraires traitent des mythes, des légendes, ou des situations imaginées par leur auteur. Certains de ces thèmes relèvent des faits divers.
Exemples : Afin de dénoncer la corruption endémique au Cameroun, Bernard Nanga imagine un fonctionnaire véreux qui préfère se remplir les poches plutôt que de percevoir les impôts pour le compte de l’État. Jean Paul Sartre se sert du mythe d’Électre pour écrire Les Mouches en vue de dénoncer l’occupation de la France par l’Allemagne.
3. Le choix du titre de l’œuvre relève de l’imagination de l’auteur : Certains titres des œuvres peuvent être éponymes ou thématiques.
Exemples : La Marmite de Koka-Mbala de Guy Menga ou même L’oracle du même auteur ; Munyal. Les Larmes de la patience de Djaïli Amadou Amal.
4. Le jeu des images et des symboles relève d’un travail de composition de l’auteur : Certains auteurs déploient de nombreux images et symboles pour faire une représentation de leur société. Exemples : Ramla dans Munyal. Les larmes de la patience est le symbole d’une figure féminine en quête de l’émancipation de la femme qui subit le poids paroxystique de la tradition dans la partie septentrionale du pays. Le Roi Dualla Manga est le symbole d’une figure patriotique de son territoire.
Conclusion : Une œuvre littéraire est un savant mélange de la réalité et de l’imagination. Les deux entités coexistent dans l’activité créatrice.
Présidente de la commission :
• Mme NGAH Solange Colette, IPN, CS/
Membres :
• M. NTI Jean Étienne, IPN.
• M. MEKONGO ATANGANA Christian Wilfrid, Enseignant.
• M. BOTONDONO Bienvenu Bernard, enseignant.
• Mme NDOUMBÉ ÉTÉKI Éveline, IPN.
• Mme MBANG BELINGA Régine Marquise, Enseignante.