Vous êtes ici : AccueilEXAMENSCorrection épreuve de philosophie au baccalauréat A et ABI 2021

Vote utilisateur: 5 / 5

Etoiles activesEtoiles activesEtoiles activesEtoiles activesEtoiles actives
 
Baccalauréat
Philosophie
A
2021
Correction
Bonjour ! Groupe telegram de camerecole, soumettrez-y toutes vos préoccupations. forum telegram

Partie A : La vérification des ressources (9 pts)

Consigne: A travers une production écrite de quinze lignes, au moins et de vingt-cinq lignes, au plus, dégage l'intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée, c’est-à-dire des éléments ci-après :
• Définition du problème philosophique (DP)
• Éléments d'étude analytique (EA)
• 2(deux) Éléments de réfutation (RT)
• 2(deux) Éléments de réinterprétation (RIT)
• Conclusion (C)

Compréhension du texte

Pour comprendre cet extrait de De la médiocrité à l'excellence et surtout bien le situer, il faut prendre en considération ce qui suit ; l'acharnement de Njoh-Mouelle contre toute forme de médiocrité et son engagement à définir les principes qui fondent l'excellence humaine, à savoir, la créativité, la liberté, la responsabilité de soi et de tous. Selon ce philosophe camerounais, la construction d’un véritable développement en Afrique requiert des Africains un volontarisme et un engagement fondés sur l’effort et le dépassement permanent de soi.

Définition du problème philosophique (DP)

Problème philosophique (énonciations possibles)
- L'auteur met en exergue les caractéristiques de l‘homme excellent l15pts
- L'auteur parle de l'homme excellent qu'il oppose à l'homme médiocre ;
- Le sens de la responsabilité de l'homme excellent ;

Explication analytique (EA)

L'auteur met en exergue les caractéristiques de l'homme excellent dans une démarche ternaire qui se présente ainsi qu'il suit :
Dans le premier mouvement, Njoh-Mouelle dévoile les caractéristiques de l ‘homme excellent et montre qu'il est un homme créatif. libre et responsable.
Dans le second mouvement, l'auteur souligne la signification de la responsabilité de l'homme excellent en indiquant que celui-ci est cet être altruiste dont l'épanouissement est conditionne’ par celui des autres.
De là suit, dans le troisième mouvement. la présentation de la médiocrité de l ‘homme africain sous-développé’ qui est décrit comme irresponsable et inapte à la créativité.

Transition : Il reste à se demander si la qualité et la pertinence des arguments proposes dans le texte le préservent de toute objection. Mieux, malgré sa qualité, ce texte est-il à l'abri de toute critique ?

Réfutation du texte (RT) (deux éléments au plus)

Malgré sa qualité et sa pertinence, ce texte semble s'exposer à plusieurs critiques, qui pour la plupart relèvent d’ une attitude spirituelle rapprochant son auteur d‘ un idéalisme de type platonicien ou kantien.
Première critique: Conception trop idéaliste et exigeante de l'excellence qui semble difficile à réaliser. Tout se passe comme si Njoh-Mouelle « angélisait » l'homme excellent.
Deuxième critique : Méconnaissance de la nature égoïste et individualiste de l'homme, davantage porté a rechercher son propre bonheur qu'à penser à celui des autres.
Troisième critique : Le défaut de culture et d'éducation, préalables nécessaires pour accomplir le saut qualitatif que l'auteur exige de l’africain sous-développé.
Quatrième critique : Il semble difficile d'être excellent dans des situations de pauvreté extrême, telles que celles qui caractérisent certains pays africains. Voila qui pourrait hypocritement justifier des adages anti-moraux tels que ceux-ci : « qui vole au riche emprunte à Dieu » « la chèvre broute là où elle est attachée » « ventre affamé n'a point d ‘oreilles »
Cinquième critique : L'aversion de l'auteur pour les attitudes de suivisme et de conformisme n'invite-t-elle à la révolte, à l’anticonformisme et à la subversion, â la fois contre les autorités légitimes (Dieu, ancêtres et autres tenants de l'ordre social et moral, etc.) et contre les valeurs séculaires qui permettent à un peuple de se fixer, de se spécifier dans l'histoire ? Le suivisme et le conformisme seraient moins à blâmer qu'une attitude de désinvolture qui ferait courir le risque de l'oubli et de l'abandon de nos cultures.

Transition : Mais, ces critiques suffisent-elles à discréditer le texte et à lui enlever tout mérite et toute valeur ?

Réinterprétation du texte (RIT) (deux éléments au plus)
Malgré les critiques sus-formulées, la pensée de Njoh-Mouelle s'inscrit dans la logique du dessein qu'il s'impose, à travers le sous-titre de son ouvrage, « Essai sur la signification humaine ait développement x. De son texte peuvent se dégager plusieurs leçons et mérites :
• D'abord, un mérite d'ordre éthique. L'auteur s'y attèle à la dénonciation des formes de comportements qui, parce que dégradants, constituent de véritables freins à l'émulation/épanouissement de l'ensemble du corps social. ll s'agit pour lui de montrer que le vivre-ensemble exige de renoncer à des comportements qui frisent l'asservissement, le renoncement à l'action, la paresse et l'inaction. Il s'agirait donc d'un message fort adressé à nos compatriotes africains encore englués dans un conformisme paresseux au lieu de se situer dans la perspective du héros bergsonien ou du surhomme nietzschéen, capables de construire des valeurs pour eux-mêmes et pour leurs semblables.
• Ensuite, le texte dégage un mérite d'ordre didactique. En effet, Njoh-Mouelle met en exergue les éléments qui permettent d'identifier l'homme excellent et de le distinguer de l'homme médiocre (africain sous-développé). Ce qui nous permet d’appréhender les conditions nécessaires sans lesquelles l'accès à l'excellence n'est pas possible, dans une logique où l'aspiration au mieux-être des Africains reste hypothéquée par l’ignorance des préalables mêmes du développement.
• Un autre mérite serait d'ordre méthodologique. En effet, même si elle peut être fustigée, l'approche spiritualiste/ idéaliste de Njoh-Mouelle reste un idéal, un horizon intellectuel qui doit susciter en nous volonté d'autopromotion, d'auto-amélioration et de remise en cause de soi. En cela, l'auteur a le mérite d'indiquer aux hommes désireux de se développer, mais ignorants de l'itinéraire à suivre, la démarche nécessaire pour échapper à la médiocrité et accéder de fait à l'excellence.
• Enfin, on soulignera un mérite social. La pensée de Njoh-Mouelle dévoile les contours d'un véritable humanisme communautaire où notre bien reste conditionné par celui des autres (entourage). D'une part les médiocres, sont des obstacles pour eux-mêmes et pour les autres; d'autre part, les excellents veulent construire, à l'image du héros bergsonien ou du dialecticien platonicien, des modèles et des valeurs positives humanistes, qui aspirent à l'universalité.
Ainsi, le texte de Njoh-Mouelle dégage à la fois une actualité et un intérêt philosophique probants.

Conclusion (C)

Rappel du problème du texte: la réflexion de Njoh-Viouelle, dans cet extrait de De la médiocrité à l‘excellence, mettait en évidence les caractéristiques de l'homme excellent.
Rappel de la thèse de l'auteur r il soutient que l'homme excellent est un homme créateur, libre et responsable de lui-même et de tous les autres.
Rappel de la critique : certes, cette caractérisation de l'homme excellent (par la créativité, l'humanisme et la responsabilité) semble problématique, surtout dans un contexte où les propensions à l'égoïsme et à l'individualisme peuvent tempérer les nombreux appels à l'humanisme, au solidarisme et à l'altruisme.
Indication de l ‘intérêt philosophique : Néanmoins, on note chez l'auteur la volonté affichée de dégager les exigences d'un vivre-ensemble l'onde sur l'éthique de la solidarité, de l'humanisme et l'exhortation a la créativité et à la responsabilité collective. Il s'agit d'une interpellation a l'endroit des Africains afin qu'ils intègrent l'idée que tout accès au développement exige de cultiver les valeurs morales se situant ait-delà de l'individualisme et de l'ignorance

Partie B. La vérification de l’agir compétent

Sujet : Que te suggèrent ces propos de Montaigne: « philosopher, c'est apprendre à mourir »

I. Compréhension du sujet

Michel Eyquem de Montaigne, philosophe humaniste français du Seizième siècle, {inscrit dans une dynamique de rupture avec la pensée scolastique et médiévale davantage portée au commentaire, et la diffusion de la pensée d’Aristote qu'à la considération d'un véritable an de vivre et de bien vivre en soi et avec les autres. Cette volonté réformiste, qui est aussi celle de la plupart des philosophes de son époque comme Rabelais, La Boétie, Maine de Biran et bien d'autres, manifeste le souci , sur le plan socio-culturel, d'apporter aux autres une éducation humanisante ou plus précisément des repères moraux l‘inclinant à mieux vivre sa relation avec autrui. La pensée : « philosopher, c'est apprendre à mourir» aura préoccupé des penseurs de diverse sensibilités ; elle s’origine dans Platon et prospèrera avec d'autres penseurs dont Montaigne est l'un des plus illustres.
On se souviendra que ces penseurs étaient à la recherche de « l'honnête homme », en tant que « tête bien faite n et non simplement « tête bien pleine ». A ce titre, les Essais de Montaigne {investissent a construire une dynamique de la méditation intellectuelle axée justement sur l'art de bien vivre sa vie. La présente citation, reprise humaniste de l'ontologie de Platon telle qu'elle se décline dans Apologie de Sacrum, (Triton et surtout Phédon, nous instruit sur la posture que le philosophe doit adopter face à la mort. Elle nous convie à envisager la mort sous un angle heureux, à interpeler les hommes à en avoir une appréhension positive . L’homme doit apprendre à regarder ln mort en face, à apprivoiser cette grande inconnue : « la mort est le sort commun des hommes, et c’est folie de n ‘y pas peiner, ou de la représenter comme une chose lointaine». La mort peut venir à tout moment et de partout.
Le sujet, ainsi libellé, invite le candidat a trois tâches conceptuelles essentielles :
• Montrer en quoi la philosophie, qui par nature vise l'éducation de l'âme, se présente comme une hygiène de vie nous habituant à mourir un corps pour donner à l'âme le plus de chance d'accéder au salut et de {immortaliser : qu‘il s'agisse de Platon on de Montaigne, le l'faire-valoir de cette citation est d'extirper en l'homme l'angoisse existentielle générée par la mort en lui apprenant cette authentique sagesse selon laquelle non seulement la mon l'ait partie intégrante de la vie (puisque tonte vie s'achève logiquement et nécessairement par la mort), mais aussi et surtout que pour l'homme de bien, la mort est un prétexte à travers lequel {inaugure une autre vie.
En conséquence, le sage / le philosophe ne doit pas la craindre ;
• Réagir en formulant des objections qui mettent en cause cette appréhension de la philosophie et de ses rappons avec la mort que propose Montaigne/Platoon ct les difficultés y afférentes ;
• En déduire, comme esquisse de justification, l'attitude à laquelle devrait nous conduire la méditation philosophique sur la mort.

Définition des concepts
Philosophie : recherche de la vérité / effort d'élucidation du sens du réelle réflexion critique orientée vers la satisfaction des besoins de l'homme ;
Mourir : cesser d ‘exister
Mort : Etat irréversible d'un organisme biologique conduisant à la cessation de vie / Cessation complète et définitive de la vie d'un être humain/perte définitive par une entité vivante des propriétés caractéristiques de la vie, entrainant sa destruction.
Apprendre : acquérir des savoirs et des aptitudes conduisant à la maîtrise d'une chose ou d'un phénomène / développer la connaissance et la culture de quelque chose ou d'un phénomène.
Reformulation: Selon Montaigne, la philosophie se réduit-elle à une méditation sur la mon ?
On peut donc considérer les hypothèses suivantes :
• Si mourir, c'est cesser de vivre ou d'exister, alors, la philosophie, qui réfléchit sur les causes et les fins dernières, pourrait bien dissiper en nous la peur que génère la certitude de mourir;
• si mourir, c'est dépasser la sensibilité de la vie végétative pour une vie spirituelle, mourir de chair et continuer a vivre d'esprit, la philosophie, qui est fondée sur la transcendance du sensible, ne serait-elle pas une thérapie, un art d'expérimenter au quotidien la mon en s‘exerçant, par la pensée, à détacher l'âme du corps. la mort, entendue comme mise entre parenthèses de notre sensibilité, ne serait-elle pas un état supérieur à celui de la vie (voir Cicéron pour qui l'étude et la contemplation, à savoir la philosophie, tirent notre âme en dehors du corps pour lui donner une autonomie de vie, La philosophie deviendrait alors un entrainement à une vie.

I Introduction

II.1 Problème :
Le sujet invite à se prononcer sur la nature des rapports entre la philosophie et la mort / l’attitude philosophique vis-à-vis de la mort / l’impact de la réflexion philosophique sur la mort/ la manière dont la philosophie appréhende et Juge la mort / la signification ou l'essence du philosopher eu égard à la mort/ la nature des rapports entre l’acte de «philosopher» et l’acte de «mourir». Il s'agit, en fait, de s’interroger l’articulation entre la réflexion philosophique et l'idée de la mort.

ll.2 Problématique : Ce problème peut être décliné en problématiques ainsi qu'il suit :

• Philosopher est-ce mourir, en ce sens que la réflexion philosophique assènerait un coup fatal à la volonté de vivre en portant l'homme vers une mon préjudiciable ?
• La réflexion philosophique peut-elle être autre chose qu'un engagement à la mort ?
• La pensée de Montaigne/Platon, pour autant qu’elle exprime adéquatement le lien, entre la pensée et la mort, n‘invite-t-elle pas à rechercher les lieux possibles d’une thérapie philosophique de la mort ?
• La philosophie n’est-elle pas en dernière instance une pensée qui veut surmonter la dure épreuve de la mort en la conciliant avec les aspirations légitimes d’une vie viable et profonde.

Développement

Thèse : Explication commentée de la pensée de Montaigne/Platon
Que signifie, pour Montaigne/Platon « philosopher, c'est apprendre à mourir » ?

l- La considération de la philosophie comme détachement de l’homme par rapport aux perspectives existentielles par Montaigne (certainement à la suite de Platon). Les deux actions « philosopher » et « mourir» renverraient exactement à la même chose et seraient donc dans un rapport consubstantiel ou de nécessité logique : si philosopher c'est se détacher des préjugés, de la corporéité, de la matérialité, mourir c'est perdre sa corporéité, sa matérialité au profit d'une existence immatérielle, a-corporelle et uniquement spiritualisée. Ce qui établit le lien entre la pensée de Montaigne et l'idée platonicienne du Phédon selon laquelle « Ceux qui s‘appliquent à la philosophie et s‘y appliquent droitement ne s‘occupent du rien d‘autre que de mourir et d’être morts ». Ainsi, Socrate affirme qu‘« il est impossible, en compagnie du corps, de rien connaitre purement » Aussi conseille-t-il « Autant qu’il est possible. nous n ‘aurons ni commerce ni association avec le corps, sauf en cas d’absolue nécessité ». En cela, il sera rejoint par Platon pour qui il est impératif que l'âme s’affranchisse du corps pour accéder à la vérité : « Mais l'âme ne raisonne jamais mieux que quand rien ne la trouble, ni l'ouïe, ni la vue, ni la douleur, ni quelque plaisir, mais qu‘au contraire elle s‘isole le plus complètement en elle-même en en écartant le corps, et qu’elle rompt, autant qu’elle peut, tout commerce et tout contact avec lui pour essayer de saisir le réel. » (Phédon)

2- D'un point de vue réaliste et sociologique, il apparaît aussi que philosopher, c’est choisir de vivre dangereusement : l'activité du philosophe l'expose, soit à mise à l'index, soit à une condamnation à mort; tellement il est gênant par sa détermination à dire la vérité, parfois même en défiant la majorité et en contrariant les autorités Le cas Socrate en est un parfait exemple, lui qui a embrassé, reconnait-il lui-même, « un genre de vie qui risque de le perdre ».

3- Aussi vrai que la pensée humaniste de Montaigne s'inspire de la pathologisation platonicienne du corps, la philosophie, pour l'un et l'autre, est réflexion sur les causes et les fins dernières. En ce sens, mourir ou philosopher, c'est abstraire en permanence son âme de la prison du corps où elle est comme naturellement engluée a la sensibilité. Or qu‘est-ce que la mort en fait? c'est la séparation du corps et de l'âme qui peut s'effectuer soit dans la réflexion / spéculation / contemplation soit dans le trépas Le philosophe qui est rompu dans l'an de la réflexion expérimente donc tellement la mort qu'il est impensable qu'il subisse encore les assauts de l'angoisse existentielle. La philosophie, on le voit, est cette intelligence de la vie qui sublime, neutralise et médicalise la mort.

4- La mon n'est pas, comme le pensent souvent les non-philosophes, le contraire de la vie, puisqu'elle inaugure une nouvelle vie. L’ascèse, entraînement quotidien à une vie purement intellectuelle, spirituelle et a-corporelle qui s'apparente à la mort, élève dès lors le philosophe au-dessus du commun des mortels. Ainsi, Socrate ne craignait point la mon qu'il considérait comme un passage, une migration de l'âme dans un autre monde. De ces considérations, il s'ensuit que la mort est le moment de la libération de l'âme, suite à sa séparation d'avec le corps, cette libération par laquelle l'âme humaine, devenue pure et incorruptible, atteint une perfection entéléchique lui permettant de siéger aux côtés des dieux. D'où cette déclaration de Socrate : « Athéniens, je vous honore et je vous aime, mais Transition : quelles sont les difficultés liées aux rapports que Platon et Montaigne instituent entre la philosophie et la mort ? Une conscience philosophique permanente de la mort peut-elle totalement préserver l’homme méditatif de l'angoisse et de la peur naturelle de la mon.

Antithèse
Il y a pourtant des difficultés liées à cette appréhension de la mort par la pensée philosophique, du moins dans les termes que propose Montaigne.
1- Quoique humaniste, cette vision que Montaigne/Platon a des rapports entre la philosophie et la mort, nous semble idéaliste : Montaigne/Platon semble nous proposer une euthanasie de la vie. En effet, comment taire le corps sans taire la vie ? Comment réprimer les passions et les désires sans sombrer dans une espèce du refus de vivre ?
2- L’ascétisme qui découle de cette haute conception de la philosophie nous semble radical.
Montaigne/Platon semble élever l'homme à la dimension de Dieu. Pourtant, nous rappelle Pascal « L ‘homme n ‘est tri ange ni bête, [ / et le malheur veut que celui qui veut faire l'ange fait la bête ».
3- Il s'agit résolument là d'une vision philosophique se situant en marge de tout hédonisme et oublieuse du fait que l'homme n'est pas venu au monde pour souffrir, mais pour jouir.
D'où l'exaltation d'une existence immédiate et spontanée, éloignée de l'ascétisme. D'où l'idée commune selon laquelle il faut « vivre d'abord et philosopher ensuite », La philosophie de la mort, déjà encombrante et terrifiante, semble soustraire l'homme des «biens de ce monde» qu'André Gide appelait les « nourritures terrestres» et qui ont conduit Epicure à s'écrier : « mangeons et buvons, car demain trous mettrons ».
4- Confronté déjà aux vicissitudes d'une existence pénible, la pensée de la mort apparaît comme un supplice et un tourment supplémentaire. La pensée philosophique sur la mon apparaît comme une pensée angoissée et terrifiante (nécro-sophie) qui bute constamment contre l'inconnu, le mystère, le silence, l'absurde. Dès lors, la philosophie elle-même semble manifester une certaine impuissance face à la mort. Cf. Jean-Paul Sartre : « La mort est une néantisation toujours possible de mes possibilités, mais qui est hors de mes possibilités. » Il faut le confesser : plusieurs philosophes n'ont pas eu la même sérénité que Socrate (qui, lui-même, dit-on, aurait d'ailleurs tressailli lorsque la cigüc a commencé à faire son effet) ; plus encore, ils ont tremblé devant la mort (hypocondrie et thanatophobie ), montrant par-là leur communauté de destin avec les autres hommes. Sur un ton cru et pessimiste, Blaise Pascal décrit la misère de la condition humaine, malgré le « divertissement » auquel il s'adonne : « Qu'on s’imagine un nombre d‘hommes dans les chaines, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns et les autres avec douleur et sans espérance, attendent leur tour. C‘est l’image de la condition humaine. Ce dernier acte est sanglant, quelque belle qu'elle soit la comédie en tout le reste : on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour j'aurais. » (Pensées 199 et 2/0).

5- L'invitation à une méditation philosophique sur le quotidien de l'homme. Voir avec Spinoza l'idée selon laquelle « « Un homme libre ne pense à atteinte chose moins qu‘à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie » (Éthique)

Transition : Si de telles objections permettent de remettre en cause la vision que Montaigne a des rapports entre la philosophie et la mort, il reste à se demander si au-delà d'elles, on ne peut pas dégager, en tenues d'épilogue, une authentique sagesse de la mort ,autant dire une didactique de la vie.

Synthèse : Justification/intérêt de la pensée de Montaigne à quelles leçons de vie nous invite(nt) finalement Montaigne/Platon à travers cette(ces) philosophie(s) de la mort ?

l- Par son affirmation, Montaigne nous convie à une sorte de réalisme existentiel. La mort doit cesser d'être l'adversaire (antinomie) pour devenir le compagnon irréductible de la vie. Il s'agit donc d'une invitation à l'accepter comme un évènement non seulement probable, mais davantage certain. Et on sait bien qu'avec Benjamin Franklin « Dans ce monde, il n'y a rien d'assuré que la mort. » ll faut vivre avec la mort, la préparer et l'attendre. Le sage ne craint point la mort, il la prépare avec sérénité et l'accueille avec joie.
2- Appel à la dé-biologisation de la mort : celle-ci cesse d'être un phénomène biologique pour intégrer notre existence et notre quotidienneté.
3- En puisant dans l'ontologie et l'éthique platonicienne, Montaigne contribue à l'essor de l'humanisme, au triomphe de la philosophie, désormais perçue comme une hygiène de vie, un mode d'existence nous prescrivant d'obéir beaucoup plus à notre rationalité qu'il notre sensibilité. Il nous apprend que le sage ou philosophe doivent plus s'occuper de l’éducation de leur âme que de l’assouvissement de leurs besoins corporels/matériels.
4- Nécessite’ d'appréhender la mort comme un stimulant pour la réalisation de grandes œuvres. Se référer également à Soren Kierkegaard, dans Le concept d‘angoisse : « La mon envisagée dans le sérieux est une source d'énergie connue nulle autre : elle rend vigilant comme rien d’autre. » La mon devient ainsi, non plus un non-sens, mais ce par quoi la vie acquiert sens et destination.
5- La réflexion philosophique nous apprend comment apprivoiser la mon, comment médicaliser la mort : l'accepter pour autant qu'elle soit inévitable, apprendre à vivre avec elle, ne point en avoir peur. Avec Montaigne/Platon, il faut accepter la mon pour pouvoir vivre : puisque la mort est panic intégrante de notre vie. Comme il le dit lui-même, « Il est incertain où la mort nous attende, attendons-la partout » Essais
6- Le refus de la mort serait assimilable au refus de la vie. Ainsi, chez Platon, avec la mort, l'âme retrouverait la plénitude de son savoir (sapience) ; et puisque la philosophie est un accès à l'intelligible, elle serait un exercice à la mort. La réflexion philosophique nous apprend comment apprivoiser la mon : l'accepter et apprendre à vivre avec elle, sans peur.
Avec Montaigne / Platon, il faut accepter la mort pour pouvoir vivre : puisque la mon est partie intégrante de notre vie.
7- Montaigne/ Platon place la vie sous l'ombre de la mort et nous conseille de la braver en l’intégrant comme évènement et pensée dans nos vies d'êtres humains, tant il est vrai que tout ce qui est périssable. La mort devient, par le fait même, le compagnon naturel et inséparable de l'homme, dont il porte les angoisses, les obsessions : «pas un pas sans sa mort », serait-on forcé de penser.
8- Dans une perspective essentialiste, la mort peut être reconduite à quelque chose de moins pénible. Cette attitude d'optimisme et de sérénité est celle à laquelle nous invitent Platon et son maître Socrate, dans le Phédon. Elle nous fait voir que la mort soustrait l'âme de la tyrannie du corps et des « souillures » d'un monde pris au jeu des appétits sans fin, de la démesure et de l’extravagance matérielle.

En somme, ce qu'il faut saisir au-delà de la pensée de Montaigne ou au travers de celle de Platon, c'est que la philosophie doit pouvoir nous fournir les armes et les arguments pour vivre positivement la mort et sublimer l'angoisse existentielle qu'elle génère. C'est peut-être ce qui amènera Martin Heidegger à voir en l'homme un être pour la mort ; ce qui reviendrait à souligner cette spécificité du philosophe qui fait corps avec la pensée de la mon et l’expérimente abstraitement et au quotidien dans et par la réflexion, cette transcendance de la corporéité, cette contemplation des intelligibles, a cette prière «naturelle par laquelle nous (les philosophes) obtenons que la Raison nous éclaire » (cf Leibnitz).

Conclusion

Rappel du problème : l'altitude de la pensée philosophique face à cet évènement qu'est la mort/nature des rappons entre la sagesse philosophique et l'idée de la mon.
Rappel de la thèse de Montaigne : la méditation philosophique dévoile a l’homme sa dimension d’être mortel.
Rappel de la critique : concevoir la philosophique comme méditation sur la mort serait déconcertante dans un contexte où l’homme aspire à vivre et surtout à vivre intensément, à profiter de ce que André Gide appelle « les nourritures terrestres »
Solution contextualisée : la réflexion sur la mon rend celle-ci plus abordable et diminue la détresse et l'angoisse de l'homme face à elle. Montaigne/Platon a ainsi le mérite de nous montrer que philosopher, c'est dominer la hantise de la mort pour vivre pleinement et sereinement sa vie en se préparant à l'accueillir partout où elle nous trouve. Voir Nietzsche: «Il faut quitter la vie comme Ulysse quitta l'île de Nausicaa, non en la maudissant, mais en la bénissant ».