Première partie : L’évaluation des ressources
Compréhension du texte
Pour comprendre cet extrait de De la médiocrité à l’excellence et surtout bien le situer, il faut prendre en considération ce qui suit : la volonté de Njoh-Mouellè de promouvoir un développement humain articulé autour de la culture de l’excellence et dont les piliers sont, d’après lui, la formation scientifique et éducation artistique. C’est cette intention qui gouverne la plupart des textes de son ouvrage, en particulier ceux du chapitre intitulé «culture et développement » à travers lesquels l’auteur entend définir le type de culture requis pour promouvoir un réel épanouissement de l’homme. Selon ce philosophe camerounais, toute construction du développement de l’Afrique en marge de cette dynamique aboutirait fatalement à la production de marionnettes et de robots. Ainsi privé de liberté et de responsabilité, l’homme exigerait la médiocrité, expression d’un sous-développement culturel, en valeur.
Définition du problème philosophique (DP) :
Thème. la culture du développement / le développement culturel / culture et développement / la culture / le développement. '
Problème : nature / caractéristiques/ signification / essence de la culture du développement ou du développement culturel ou du développement tout court.
Thèse : Njoh-Mouelle soutient que la véritable culture du développement en Afrique est celle de l’homme individuel et non de la société globale. Ou encore, le développement culturel doit être axé sur la promotion de l’individu et non du groupe.
Problématiques possibles :
• Mais, faut-il adhérer sans réserve à un tel point de vue, sans courir le risque d’une conception trop idéalisée et rationaliste de la culture et du développement ?
• La culture, pour autant qu’elle doive être en rapport étroit avec un vrai développement, n’est-elle pas plus celle du groupe que celle de l’individu isolé ?
Examen analytique (EA) :'
Hauteur met en exergue les caractéristiques de la culture du développement dans une logique antithétique qui lui permet de dire d’une part, ce qu’elle n’est pas et d’autre part, ce qu’elle doit être. Sa démarche est donc binaire et se présente ainsi qu’il suit :
D’une part, Njoh-Mouelle relève les difficultés de la culture de la société globale (culture communautaire), en indiquant qu’elle participe du sous-développement culturel en tant que super-individualité particulariste et aliénante. Ainsi affirme-t-il : « La culture dont nous parlons n’a rien de particularisme… non la société prise globalement et comme super-individualité. »
D’autre part, Njoh-Mouelle pose la culture de l’homme individuel comme condition du vrai développement, en soulignant qu’elle exprime l'aspect scientifique et éducationnel de la culture. D’où l’assertion suivante : « La culture dont nous parlons […] est plutôt l'expression de l’aspect scientifique de toute culture particulière.» Elle s’intéresse à l’homme individuel «avec son niveau de connaissances, son pouvoir réel sur le monde...».
Transition : Mais, adhérer sans réserve à un tel point de vue, n’est-ce pas courir le risque d’une conception trop idéalisée et rationaliste de la culture et du développement ?
Réfutation du texte (RT) ;
Au-delà de leur qualité et pertinence, les propos de Njoh -Mouelle suscitent quelques interrogations.
Réfutation 1: On peut ici interroger sa conception quelque peu élitiste du développement qui semble finalement en faire une affaire de privilégiés (l’homme individuel « avec son niveau de connaissances, son pouvoir réel sur le monde»).
Réfutation 2: On peut également s’interroger sur une orientation assimilable à l’égoïsme et à l’individualisme pour autant que la seule culture encouragée par Njoh-Mouelle dans la voie du développement soit celle de l’homme individuel et non de la société globale.
Réfutation 3 : On peut, par ailleurs, questionner la méconnaissance de l'importance de la collectivité / communauté, avec ses valeurs qui s’imposent à tous dans la construction de la cohésion sociale et du vivre-ensemble harmonieux. Une société d’individualités risque de donner lieu à une fracture sociale, entraînant la dynamique subversive et sécessionniste. Le suivisme et le conformisme seraient préférables à la désinvolture contre l’organisation traditionnelle de la société et l’autorité sur laquelle elle repose.
Réfutation 4 : On peut donc, par comparaison à nos valeurs traditionnelles, s’inquiéter d’une vision un peu trop occidentaliste ou occidentalisée de la culture, avec tous les risques d’a1iénation que cela pourrait avoir. En cela, la voie prescrite par Njoh-Mouelle s’oppose à celle de l’africanisme culturel prôné par des auteurs comme Julius Nyéréré lorsqu’il encourageait un socialisme purement africain (socialisme Ujamaa).
Réfutation 5: Enfin, son exaltation de la culture scientifique pourrait s’assimiler au scientisme et à un excès de zèle rationaliste, au mépris des particularités (originalités) de la culture africaine qui, elles aussi, sont non moins importantes dans la construction du développement. On se souviendra ici de Basile Juléat Fonda qui exigeait de l’Africain qu’il rentre dans la mondialisation tout en gardant cette part de lui-même qui fait son originalité, en évitant de se corrompre fondamentalement.
Transition : Mais, de telles points d’interrogation sont-elles de nature à altérer la richesse de ce texte de Njoh-Mouelle ?
Réinterprétation du texte (RIT) :
Malgré les interrogations formulées ci -haut, la pensée de Njoh-Mouelle semble bien s’articuler avec le dessein de l’autour, lequel transparait dans le sous-titre («Essai sur la signification humaine du développement ») de son ouvrage. Dès lors, sa richesse se décline de plusieurs manières.
D’abord, l’auteur appelle à adopter le modèle culturel de développement axé sur la promotion des individualités, lequel aurait certainement fait ses preuves ailleurs (on peut voir ici un clin d’œil à l’occident).
Ensuite, l’auteur s’attèle à la dénonciation des attitudes conformistes et conservatistes qui constituent de véritables freins à l’émulation / épanouissement de l’homme. Il veut montrer que l’existence positive repose sur le renoncement à ces genres d’attitudes qui frisent l’asservissement, l’embrigadement socioculturel, la carence éducative et formative et le défaut de liberté et de responsabilité.
Par ailleurs, le texte a le mérite d’inviter à un rapport critique et sélectif vis-à-vis de nos cultures, à l’effet d’expurger les éléments négatifs susceptibles d’entraver notre accès à un véritable épanouissement et, en même temps, d’identifier en nos cultures et en celles des autres tout ce qui peut être bénéfique dans le sens de cet épanouissement Il s’agit de préalables sans lesquels l'accès au développement demeure utopique.
Comment ne pas souligner aussi cette exhortation de l’Africain à faire de la connaissance scientifique et de notre pouvoir réel sur le monde, les éléments requis pour allier développement et épanouissement de l’homme?
Enfin, Njoh-Mouelle promeut une conception de la culture et du développement qui, quoique quelque peu individualiste et idéaliste, doit demeurer un idéal et une aspiration légitime dont l’horizon doit susciter en nous la volonté d’autopromotion, d’auto-amélioration sur la base de la formation scientifique.
Ainsi, le texte dégage, au-delà de sa densité, un intérêt philosophique indéniable.
Conclusion (C) :
Rappel du problème du texte: la réflexion de Njoh-Mouelle, dans cet extrait de De la médiocrité à l‘excellence, menait en évidence la nature / les caractéristiques/ la signification / l’essence de la culture du développement ou du développement culturel ou du développement tout court.
Rappel de la thèse. de l'auteur : il soutient que la seule culture requise pour un développement véritable repose sur l’individu et non sur le particularisme de la société globale.
Rappel de la critique :
Certes, cette caractérisation de la culture et du développement semble trahir un excès de zèle rationaliste, avec une propension à l’individualisme, au détriment des valeurs partagées qui devraient fonder et garantir un vivre-ensemble authentique.
Indication de l’intérêt philosophique :
Néanmoins, Njoh-Mouelle invite à considérer que la seule culture du développement qui vaille est celle qui vise l’épanouissement de l’homme comme individualité et non celle qui le phagocyte et en fait un homme du milieu, simple jouet, dilué et englué dans les structures de la société. Il invite ainsi les Africains à intégrer l’idée que tout accès au développement exige de cultiver les valeurs de la créativité et de la responsabilité et non celles du conservatisme et du conformisme aliénants.
Deuxième partie: ;L’Évaluation de l’agir compétent
Sujet : La sagesse consiste-t-elle à vaincre ses passions ?
Le sujet, libellé sous forme interrogative, invite le candidat à trois tâches essentielles :
Montrer en quoi, par leurs effets dommageables, les passions seraient préjudiciables et donc en tout point condamnables ;
Réagir en formulant des objections et réserves qui autorisent une lecture positive des passions, en mettant en exergue leur rôle réel ou possible pour l’homme en particulier et la société en général ;
En déduire, comme esquisse de solution finale, d’une certaine nécessité constatée ou reconnue des passions, à l’appel à une attitude de sagesse vis-à-vis de nos passions; ce qu’on pourrait appeler « la nécessaire éducation des passions ».
Ce qui nous conduit à saisir le sens des concepts et termes en présence dans le sujet :
Définition des concepts
Sagesse : attitude morale, bon sens, attitude acceptable, discernement, prudence :Vaincre : dompter, réprimer, dominer, étouffer,
Passion : tendance ou impulsion psychologique excessive et plus ou moins incontrôlée qui tient l’homme exclusivement par rapport à une réalité extérieure par voie d’attachement ou de rejet ; vive inclination envers ou contre un objet qui conditionne toutes nos énergies ; mouvement affectif intense ou vif qui s’empare d’untel en lui faisant prendre parti énergiquement pour ou contre une réalité donnée.
Reformulation du sujet : Le bon sens consiste-t-il à réprimer ses passions ?
I. Introduction
Problème : Le sujet invite à se prononcer sur l’attitude (comportement) à adopter vis-à-vis de nos passions. On pourrait éventuellement parler du rapport de l’homme à ses passions, de la valeur ou impact des passions, de rapport entre passion et sagesse (raison).
Problématiques possibles :
Entreprendre de dominer ses passions, n’est-ce pas ignorer les apports bénéfiques, réels ou possibles de celles-ci dans l’émulation de l’homme et la construction de la société?
• Face à l’emprise souvent négative des passions, la sagesse n’est-elle pas recommandable ?
• La vraie sagesse ne consisterait-elle pas à savoir/pouvoir gérer nos passions, au lieu de vouloir les éradiquer ?
DÉVELOPPEMENT : PLAN POSSIBLE .
Thèse (présupposé) : La sagesse (le bon sens) consiste à vaincre ses passions
Diverses raisons peuvent être invoquées pour justifier la nécessité pour l'homme de vaincre ses passions, de s’en détacher du mieux qu’il peut, au vu de leur caractère avilissant et de leurs effets dommageables :
Idée 1 : Le caractère incontrôlable des passions qui tendent à mettre l’homme en difficulté en provoquant le déséquilibre psychologique et social. Aussi, appelant l’homme à la tempérance,
Platon l’invite à tuer les passions, à éviter tout commerce avec 1e monde sensible et à s’adonner à la contemplation des Idées afin de retrouver la sérénité et la quiétude requises pour bien vivre.
Cf. Emmanuel Kant « La passion est une maladie de l’âme. »
Idée 2 : Les passions sont source de souffrance (de par l’étymologie : pathos) du fait de leur opposition à la raison qui seule confère à l’homme le statut d’être réfléchi, lucide et clairvoyant.
Cf. Cicéron, « Toutes les passions ont leur source dans l’intempérance qui est une défaillance de l’esprit tout entier et de 1a droite raison. »
Emmanuel Kant précise que, par leur fougue et leur invasion, les passions pervertissent la lucidité de l’esprit, dénaturent son être profond et entament sa capacité de réflexion. C’est ce qu’il exprime en ces termes : « les passions sont une gangrène pour la raison (…) la passion est un ensorcèlement qui exclut toute amélioration ».
Idée 3 : Parce que 1es passions sont souvent asphyxiantes, dangereuses et difficiles à réaliser, l’homme doit s'efforcer de les combattre.
Cf. Descartes : « Tâcher à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde.» Pour rappel, les Stoïciens invitaient l’homme à vivre conformément à la nature et à la sagesse afin de connaître le vrai bonheur.
Idée 4 : Le caractère confus des passions.
Cf. Ferdinand Alquié : « La passion est inconscience, méconnaissance de son objet, aversion pour la valeur, obstacle enfin au véritable amour. ». «La passion donne à la pensée sa vigueur, sa sève, son élan, mais il ne faut pas lui abandonner la direction », précisait Hume.
Idée 5 : Le caractère aliénant des passions : le passionné subit l’emprise et la dictature de la pulsion ou de l’énergie passionnelle qui inhibe la raison. Le passionné ne réfléchit plus et n’agit plus, mais il est agi.
Cf Platon, dans Gorgias : « l’âme du passionné est une passoire ; elle ne peut rien contrôler, ni rien retenti: ni se remplir » et Philippe Pinel: «Les passions sont la genèse de l‘aliénation mentale.»
Idée 6 : Le caractère liberticide des passions, en ceci qu’elles entravent la liberté et le sens de la responsabilité de l’homme. Cf. Emmanuel Kant: « Les passions portent, on le comprend aisément, le plus grand préjudice à la liberté ».
Conclusion partielle : Ainsi, les passions, parce qu’elles sont très souvent néfastes à l’homme et à la société, seraient sujettes à une condamnation tous azimuts.
Transition- : Toutefois, faut-il ne voir dans les passions que des énergies négatives et irrationnelles contre lesquelles nous devons sans cesse nous débattre et nous défaire ? Mieux, les passions ne sont-elles pas susceptibles d’exploitation ou d’usage positif et bénéfique ?
Antithèse : Combattre ses passions, c’est méconnaître leurs apports dans l’édification de l’homme et de la société.
En revanche, il y a plusieurs raisons qui semblent plutôt militer pour l’exaltation et la culture des passions. Et ceci tient aux différents rôles qu’elles peuvent jouer dans notre vie :
Idée 1 : La positivité des passions : Cf. David Hume : « Ce n’est pas à proprement parler la passion qui est mauvaise, c'est le jugement. »
Idée 2 : Le caractère consubstantiel des passions et leur inhérence à la nature humaine.
Cf. Spinoza : « L’appétit est l’essence de l’homme ». Il ne serait donc pas sage de vouloir se défaire de ce qui participe de notre nature. Au contraire, il faut s’y soumettre.
Cf. Jean Rostand : « Mieux vaut obéir sciemment à ses passions qu’avilir sa raison à les justifier.»
Idée 3 : L’apport des passions dans la construction de l’homme et du monde.
Cf. Hegel. « Rien de plus grand n’a jamais été accompli ni ne saurait s’accomplir sans les passions ». Il faut d’ailleurs ici rappeler qu’elles sont l’œuvre des grands hommes (Bouddha, Socrate, Napoléon, Mère Theresa, Mandela, etc.)
Idée 4 : La passion comme cette énergie positive qui sert de catalyseur (motivation et encouragement ) pour construire son existence. Elle est, chez Hegel, la manifestation de la « ruse de la raison » qui permet de réaliser des grandes œuvres dans l’histoire.
Conclusion partielle : Ainsi, au regard de leur implication dans la vie des hommes, il semble plutôt que la sagesse consisterait à promouvoir les passions. C’est pourquoi, à la. suite de Rousseau, qui mettait en garde tous ceux qui s’attelaient à réduire leurs désirs et passions, Hegel dira ceci: « C'est une mortalité morte et même trop souvent une moralité hypocrite que celle qui s’élève contre la passion par le seul fait qu’elle est passion. »
Transition : Si tel est le cas, il resterait à se demander continent se comporter vis-à-vis de nos passions. Mieux, quel rapport devons-nous entretenir avec nos passions pour ne point en subir les préjudices ?
Synthèse :Au regard de leur importance, loin de les combattre, il faudrait plutôt s’employer à maîtriser ses passions.
Idée 1 : Reconnaissance de la nécessité des passions.
Cf. S. Kierkegaard : « Il est impossible d'exister sans passion » et Vauvenargues : « Un homme sans passion serait un roi sans sujets. »
Idée 2 : Nécessité de contrôler nos inclinations :
Cf. Aristote « L’homme a reçu de la nature les armes de la sagesse et de la vertu, qu’il doit surtout employer contre ses passions mauvaises.»
Idée 3 : Appel à l’éducation des passions, mieux à leur rationalisation. Les passions sont une énergie ou force présente en tout être raisonnable et il faut pouvoir / savoir les canaliser et les discipliner pour éviter tout désagrément ou toute conduite déshumanisante. En fait, les passions ne sont pas mauvaises en soi tout dépend simplement de l’usage qui en est fait.
Cf. René Descartes : « Ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur toutes leurs passions, si on employait assez d’industrie à les dresser est à les conduire ». voir aussi chez Épicure : « Le principe et le plus grand bien est la prudence ».
Idée 4 : Prise de conscience de la neutralité des passions et de la nécessité de savoir les utiliser : les passions ne sont ni bonnes, ni mauvaises en soi, mais constituent des éléments de motivations neutres, qui, comme tels, devraient constituer l’énergie que l’homme doit exploiter pour construire sa vie et se donner des raisons de vivre dans un monde de plus en plus difficile.
Cf. Saint Thomas : « Les passions ne sont en elles-mêmes ni bonnes ni mauvaises ».
Idée 5 : Corrélation / solidarité entre raison (sagesse) et passion. Il existe une relation nécessaire entre la raison et la passion.
Cf. A. Chamfort : « La sagesse fait durer, les passions font vivre. »
Conclusion partielle :
Ainsi, loin de penser à une opposition, il y a lieu d’insister sur une dialectique de la raison et des passions
CONCLUSION
Rappel du problème :
Le problème était celui de l’attitude à l’égard de nos passions ou du rapport de l’homme à ses passions, de la valeur ou impact des passions, de la nature des rapports entre passions et sagesse (raison).
Rappel de la thèse:
A priori, les arguments semblent plus favorables à la nécessité de vaincre nos passions, eu égard à leurs caractère préjudiciable.
Rappel de la critique :
A la réflexion, on ne peut méconnaitre le rôle pluriel crue jouent les passions dans nos vies. D’où l’invitation, par certains, à les libérer même à les libéraliser.
Solution personnelle contextualisée :
Il faut apprendre à conduire ses passions et à ne pas se laisser avilir par elles et, ainsi, maintenir l’équilibre entre raison et passions. L’homme a le pouvoir de discipliner l'énergie passionnelle en lui, et de l’orienter vers des fins utiles et morales, grâce à un bon usage de sa raison, de sa conscience.
Présentation : 2 pts