Sur un signe du maître, il avait rangé sa tablette. Mais il ne bougeait pas, absorbé dans l’examen du maître qu’il voyait maintenant de profil. L’homme était vieux, maigre et émacié, tout desséché par ses macérations. Il ne riait jamais. Les seuls moments d’enthousiasme qu’on pouvait lui voir étaient ceux dans lesquels, plongé dans ses méditations mystiques, ou écoutant réciter la Parole de Dieu, il se dressait tout tendu et semblait s’exhausser du sol, comme soulevé par une force intime. Les moments étaient nombreux par contre où, poussé dans une colère frénétique par la paresse ou les bévues d’un disciple, il se laissait aller à des violences d’une brutalité inouïe. Mais ses violences, on l’avait remarqué, étaient fonction de l’intérêt qu’il portait au disciple en faute. Plus il le tenait en estime, plus folles étaient ses colères. Alors, verges, bûches enflammées, tout ce qui lui tombait sous la main servait au châtiment. Samba Diallo se souvenait qu’un jour, pris d’une colère démente, le maître l’avait précipité à terre et l’avait furieusement piétiné, comme font certains fauves sur leur proie.
Cheikh Hamidou Kane, L’aventure ambiguë, Union générale d’éditions
Le texte contenait 20 fautes.