Sujet I
Texte
Meka était en proie à la des sentiments contradictoires. Il savoura à l’avance les excuses que lui feraient les gardes devant Gosier d’Oiseau. Il imagina la scène. On le pousserait devant le blanc comme on le fait d’habitude aux personnes dans sa propre situation. Il gardait un moment la tête baissée pour mieux préparer l’effet de la surprise, puis il planterait son regard comme un poignard dans le visage du blanc. Il blêmirait, Gosier d’Oiseau. Ah ! Les pauvres gardes ! Qu’est-ce qu’ils prendraient... en bafouillant des excuses ! Mais lui, Meka, les accepterait-il ? Car leur mépris était inadmissible, grotesque. Au fond, depuis Jésus, les policiers étaient des chiens dégénérés. Ils n’ont plus de flair pour distinguer un Dieu, un honnête d’un bandit. Bah ! C’étaient de pauvres types ! À quoi bon leur en vouloir... et Meka esquissa dans l’obscurité le geste ample qu’il ferait de sa main pour leur pardonner en les vouant intérieurement à tous les diables ! Le mépris pour les gardes, que lui donna son innocence, le calma. Mais bon Dieu ! À quoi servait-il d’être innocent et humble dans ce monde où la vertu et l’honnêteté ne payaient plus ? Et où l’homme était devenu impersonnel comme un grain de sable dans le désert ! Meka se sentit très vieux. Mais, bon sang, il n’était pas encore au cimetière ! Dans sa jeunesse, ses omoplates n’avaient touché la poussière sous la force d’un autre homme, et ça, il allait le montrer au garde. Il se dirigea vers la porte de la cellule. Surpris de la trouver fermée, il l’ébranla à coups de pied.
Esclaves des incirconcis ! hurla-t-il. Ouvrez ! Ouvrez ! Pour voir le vrai Meka !... Salauds ! Oserez-vous me regarder ? Jamais mes omoplates n’ont touché la poussière sous la force d’un homme ! O fils de putains !
Tout en débitant ces propos, Meka allait et venait dans l’obscurité. Il mettait un genou à terre, tendait le bras droit à l’invisible adversaire, comme lorsqu’il défiait les hommes à la lutte dans son jeune temps. Il remuait ses épaules et criait à faire sauter le toit de tôle. Il éclatait de rire, d’un rire démentiel qui faisait tressauter son torse et recommençait à abreuver d’injures les gardes.
Ferdinand OYONO, Le Vieux Nègre et la Médaille, Ed. 10-18 pp. 145-146.
I- Communication
1. En vous appuyant sur les indices de personnes, identifiez les voix qui parlent dans le texte, puis analysez les effets obtenus.
2. Repérez les substituts du référent « garde » dans le texte.
2.1 A quel registre appartiennent-ils ?
2.2Analysez les connotations dont ils sont marqués puis justifiez leur emploi.
II. Morphosyntaxe
1. Étudiez l’interrogation et l’exclamation dans le texte : (repérage, analyse et valeurs d’emploi).
2. Analysez les modes conditionnel et indicatif dans le 1er paragraphe puis donnez leurs valeurs.
III. Sémantique
1. Le début du texte annonce que « Meka était en proie à des sentiments contradictoires ».
Identifiez au moins deux de ces sentiments. Relevez dans le texte les mots qui s’y rapportent puis justifiez-les par rapport à la situation du personnage.
2. Expliquez les mots « méprise » et « mépris » dans les expressions suivantes « leur méprise était inadmissible » et « le mépris pour les gardes » ; quelles remarques faites-vous ?
IV. Rhétorique
1. « Jamais mes omoplates n’ont touché la poussière sous la force d’un autre homme » Repérez et expliquez la figure de style contenue dans cette phrase puis donnez sa valeur.
2. A partir d’indices précis, trouvez le ton employé dans le dernier paragraphe, analysez ses effets et justifiez son choix par l’auteur.
Sujet II
Le pont Mirabeau (1)
(Ce poème, écrit après la rupture du poète avec Marie Laurennis, est l’un des plus célèbres du Alcools, recueil en 1913.)
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours.
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Guillaume Apollinaire, Alcools, éd. Gallimard, 1913
(1) Le pont Mirabeau enjambe la Seine à Paris.
I- Communication
1- À quels indices reconnaissez-vous la présence de celui qui « parle » de celui qui « parle » dans le texte ?
2- De qui et de quoi parle-t-il ? Relevez et classez les termes qui servent à nommer les référents dans ce poème. Quelles caractérisations ces termes leur ajoutent-ils ?
3- A qui le locuteur s’adresse-t-il ? L’énoncé ainsi formé peut-il avoir d’autres destinataires ? Justifiez votre réponse.
II- Morphosyntaxe
1- Ce poème est dépourvu de ponctuation. Quels sont selon vous les effets produits par cette absence de ponctuation ?
2- Quels sont le temps et le mode dominants dans ce texte ? Précisez leur valeur d’emploi.
III- Sémantique
1- En vous appuyant sur des repérages lexicaux, précisez les deux principaux thèmes dans le texte.
Quelle relation de sens chacun de ces thèmes entretient-il avec le titre du poème ?
2- De quelles connotations les mots et groupe de mots « pont » et « s’en va » se chargent-ils dans ce poème ? Justifiez votre réponse.
IV- Rhétorique
1- Identifiez les mètres utilisés dans ce poème. Quel effet produit leur variation ?
2- En vous appuyant sur des indices que vous repérerez, précisez quelle est la tonalité de ce texte.
3- Repérez et analysez les images employées dans ce poème. Quels effets sont ainsi produits. Quels éléments du texte sont ainsi mis en évidence ?
Sujet III
La défaite de la pensée.
(Philosophe et essayiste contemporain, l’auteur de ce texte s’insurge dans son livre La défaite de la pensée contre la confusion générale des valeurs à laquelle on assiste aujourd’hui.)
Vous voilà prévenus : si vous estimez que la confusion, mentale n’a jamais protégé personne de la xénophobie ; si vous vous entêtez à maintenir une herbagiez sévère des valeurs ; si vous est réagissez avec intransigeance au triomphe de l’indistinction ; si vous est impossible de couvrir de la même étiquette culturelle l’auteur des Essais et un empereur de la télévision, une méditation conçue pour éveiller l’esprit et un spectacle le fait pour l’abrutir ; si vous ne voulez pas, quand bien même l’un serait blanc et l’autre noir, mettre un signe d’égalité entre Beethoven et Bob Marley, c’est que vous appartenez – indéfectiblement – au champ des salauds et des peine-à –jouir. Vous êtes un militant de l’ordre moral et votre attitude est trois fois criminelle : puritain, vous vous interdisez tous les plaisirs de l’existence ; despotique, vous fulminez contre ceux qui, ayant rompu avec votre morale
du menu unique, ont choisi de vivre à la carte ; et vous n’avez qu’un désir : freiner la marche de l’humanité vers l’autonomie ; enfin vous partagez au lieu de l’encourager, vous résistez au métissage.
Que veut la pensée post-moderne ? La même chose que les lumières : rendre l’homme indépendant, le traiter en grande personne, bref, pour parler comme Kant, le sortir de la condition de minorité dont il est lui – même responsable. A cette nuance près que la culture n’est plus considérée comme l’instrument de l’émancipation, mais comme l’une des instances tutélaires qui lui font obstacle. Dans cette optique, les individus auront accompli un pas décisif vers leur majorité où la pensée cessera d’être une valeur suprême et deviendra aussi facultative (et aussi légitime) que le tiercé ou le rock’n roll : pour entrer effectivement dans l’ère de l’autonomie, il nous faut transformer en options toutes les obligations de l’âge autoritaire.
Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, Gallimard
I-Communication
1.a) Relevez dans le texte les indices de personnages renvoyant tantôt à l’émetteur, tantôt à au récepteur.
b) Quels sont les effets produits par leur récurrence et leur répartition dans le texte ?
2.a) Relevez et classez les modalisateurs de ce texte selon ce qu’ils expriment
b) Quel rapport établissez-vous entre ces modalisateurs et l’intention de communication de l’énonciateur ?
II-Morphosyntaxe
1.a) Prenez appui sur des indices précis et identifiez le type de subordonné prédominant dans la première phrase du texte.
b) Comment expliquez-vous son emploi dans ce texte ?
2. Quelles sont les différentes valeurs d’emploi des deux points dans ce texte ? Justifiez chaque fois votre réponse.
III- Sémantique
1.a) Dans le premier paragraphe du texte, repérez deux champs lexicaux qui s’opposent.
b) Comment justifiez-vous leur association dans ce texte ?
2.a) De quelles connotations sont chargés chacun des groupes nominaux suivant : « l’auteur des
Essais », « Un empereur de la télévision » ?
b) Par quels mots et expressions les référents de ces deux groupes nominaux sont-ils repris et développés dans le texte ?
IV- Rhétorique
1. Quelle tonalité sous-tend l’argumentation dans ce texte ? Expliquez et justifiez votre réponse à l’aide de trois sortes d’indices (lexical, grammatical, stylistique).
2. Identifiez et interprétez deux figures de rhétorique qui ont une fonction persuasive dans ce texte.